Handicap et inclusion: le gouvernement du Québec en panne d’idées

Handicap et inclusion: le gouvernement du Québec en panne d’idées

Lettre commune des regroupements nationaux (AQRIPH-COSME-FQA et SDQI) publiée le 11 avril dans les médias de Québecor

Alors que l’étude des crédits doit commencer sous peu, nos organisations souhaitent dénoncer le peu d’attention que les personnes handicapées ou vivant des problématiques qui affectent leur santé mentale ont reçu dans le budget provincial 2024-2025.

Si le gouvernement a finalement supprimé les pénalités liées au Régime des Rentes du Québec pour les personnes handicapées (après des années de mobilisation et de démarches devant les tribunaux) et rehaussé significativement le financement du transport adapté, ces mesures étaient les seules qui répondaient à des enjeux spécifiques pour ces personnes.

En lutte à la pauvreté et à l’exclusion sociale, le gouvernement n’a toujours pas présenté son nouveau plan. Quelques mesures décousues étaient dans le budget, mais il est clair qu’il faudra faire plus pour répondre aux besoins des plus pauvres, y compris de bien des personnes handicapées ou vivant des problématiques qui affectent leur santé mentale.

Mesures insuffisantes

Parallèlement, la ministre responsable de la Solidarité sociale et de l’Action communautaire avait promis une «mise à jour» des programmes d’aide sociale à l’automne 2023. Cette nouvelle loi n’a toujours pas été présentée. À la place, le budget prévoit que les prestataires de l’aide sociale pourront récupérer un maigre 10% de leurs revenus de travail. C’est insuffisant, surtout quand on se compare à d’autres provinces canadiennes où les prestataires peuvent garder jusqu’à 18 000$ par année. Les personnes handicapées ou vivant des problématiques qui affectent leur santé mentale veulent pouvoir travailler, contribuer à la société et sortir de la pauvreté. La balle est dans le camp du gouvernement pour le leur permettre.

Malheureusement, l’inclusion au travail est elle aussi au point mort. La Stratégie pour l’intégration et le maintien en emploi des personnes handicapées arrivera à échéance à la fin de l’année et il n’est pas clair si une nouvelle stratégie est en train d’être écrite. Pourtant, sur le terrain, tout le monde est d’accord pour dire qu’il faut une nouvelle stratégie ambitieuse. Le Vérificateur général du Québec avait d’ailleurs durement critiqué la situation de l’emploi des jeunes personnes handicapées en 2020. Le peu qui est offert ne fonctionne pas ou ne donne pas les résultats escomptés. Là non plus, le budget n’apporte aucune solution.

En éducation, l’inclusion en classe régulière a reculé depuis 2018 et les conséquences des négociations difficiles avec le gouvernement se font sentir. Plus que jamais, les services pour les élèves handicapés ou ayant des difficultés d’adaptation ou d’apprentissage méritent d’être soutenus et financés par l’État (la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse a d’ailleurs tiré la sonnette d’alarme plusieurs fois dans les dernières années). Pourtant, le budget présenté n’a pas permis aux parents de pousser un soupir de soulagement: peu ou pas de ressources spécifiques ont été annoncées. Les parents et les travailleuses du réseau scolaire devront encore se contenter de fonds de tiroirs pour que leur enfant reçoive une éducation de qualité.

Problème plus profond

Enfin, la crise du logement touche aussi les personnes handicapées ou vivant des problématiques qui affectent leur santé mentale. La rareté des logements adaptés, les maigres budgets en services et soins permettant le maintien à domicile, et le peu d’offres d’hébergement de qualité dans le réseau de la santé ne laissent que peu de choix pour les personnes handicapées ou vivant des problématiques qui affectent leur santé mentale (ce qui a été souligné par le Vérificateur général du Québec encore récemment). Conséquence la plus tragique de la crise, les organismes sur le terrain voient déjà de plus en plus de personnes autistes ou ayant une déficience intellectuelle dans la rue. Pourtant, encore une fois, le budget n’a présenté aucune mesure visant à rectifier le tir.

Dans le fond, ce budget et les crédits qui l’accompagnement ne sont que le symptôme d’un problème plus profond: le gouvernement du Québec est en panne d’idées et d’actions porteuses en lien avec le handicap et la santé mentale. Il est urgent de redémarrer la machine et de viser un peu plus haut, d’être plus ambitieux. Nos membres, les personnes qui vivent chaque jour les effets des décisions que nos gouvernements ont prises, ont des idées et des solutions à proposer. Il ne manque que de l’écoute de la part des élus.

Isabelle Tremblay, directrice générale, Alliance québécoise des regroupements régionaux pour l’intégration des personnes handicapées

Diane Harvey, directrice générale, Association québécoise pour la réadaptation psychosociale

Lili Plourde, directrice générale, Fédération québécoise de l’autisme

Sylvain Dubé, directeur général, Réseau communautaire en santé mentale (COSME)

Amélie Duranleau, directrice générale, Société québécoise de la déficience intellectuelle

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