Lettre ouverte paru dans Le journal de Montréal
Dans quelques jours, du 1er juin au 7 juin, se tiendra la Semaine québécoise des personnes handicapées, sous le slogan « Ensemble, multiplions les gestes pour mettre en valeur leur potentiel ». Cette campagne, lancée par le gouvernement, prétend souligner l’importance d’agir pour améliorer la participation sociale des personnes en situation de handicap.
Cette année, nous n’avons pas le cœur à participer à cette promotion.
Nous avons la ferme conviction que toutes les personnes, quelle que soit leur condition (déficience intellectuelle, autisme, déficience physique, etc.), ont une place à part entière dans la société et qu’il importe de maximiser nos efforts pour mieux sensibiliser la population aux réalités des personnes en situation de handicap. Toutefois, nous nous indignons face à autant de reculs sur le plan des droits humains puisque derrière cette semaine bien spéciale se cache une triste réalité : celle d’un gouvernement refusant d’investir adéquatement dans des services publics en quantité et en qualité suffisantes pour assurer le bien-être des populations vivant avec un handicap.
Alors que les personnes en situation de handicap et leur entourage revendiquent de meilleures conditions de vie, notre gouvernement a dernièrement procédé à une série de mesures qui discrimine davantage une partie importante de cette population, déjà fragilisée par un système brisé. Depuis plusieurs mois, nous constatons des coupes ou des interruptions dans plusieurs programmes essentiels au déploiement de tout leur potentiel tels que les chèques-emploi service, le soutien à domicile, le programme d’adaptation de domicile, les services d’employabilité, la remise en cause du principe de compensation équitable des incapacités, etc.
Comment parler de la mise en valeur du potentiel quand les services sont réduits drastiquement, et quand l’accès aux soins, au soutien, à l’éducation, à l’emploi et au logement devient un parcours du combattant ?
Le 27 juin prochain, le Québec soulignera les 50 ans de la Charte des droits et libertés de la personne. Une Charte qui affirme haut et fort que « toute personne a droit à la reconnaissance et à l’exercice, en pleine égalité, des droits et libertés de la personne, sans distinction, exclusion ou préférence ». Il y a quelques jours à peine, des propos ignobles ont été tenus sur les ondes d’une radio québécoise, appelant à l’euthanasie des personnes lourdement handicapées. Face à cela, aucun mot, aucun geste fort du gouvernement sauf un communiqué discret de l’Office des personnes handicapées du Québec.
Ce n’est pas à la population de porter seule le fardeau de l’inclusion. Ce n’est pas aux familles d’assurer des services essentiels. Ce n’est pas aux organismes communautaires – déjà sous-financés – de pallier les défaillances d’un système déshumanisé. Cette année, nous refusons de participer à une mise en scène qui camoufle l’abandon. Nous appelons le gouvernement à réinvestir massivement, à écouter les personnes concernées, à respecter leurs droits et leurs aspirations.
Nous voulons plus qu’une semaine. Nous exigeons une société juste, inclusive, et cohérente avec les principes de la Charte des droits et libertés de la personne.
Amélie Duranleau, directrice générale, Société québécoise de la déficience intellectuelle
Lili Plourde, directrice générale, Fédération québécoise de l’autisme
Isabelle Tremblay, directrice générale, Alliance québécoise des regroupements régionaux pour l’intégration des personnes handicapées
Michel Gaudet, président par intérim, Confédération des organismes de personnes handicapées du Québec